Les 522 électeurs d’Ouzini n’iront pas aux urnes
01 Nov 2014 - 13h41
« Nous refusons de voter cette année ». C’est le cri de révolte ou désespoir, c’est selon, lancé le mois dernier par les habitants d’Ouzini à Anjouan. Le fait est passé inaperçu. En tout cas, il n’est pas relayé dans les médias nationaux. Et pourtant, il mérite d’être signalé. *
Les habitants de ce village perché sur les hauteurs à une heure et demie à pied de la ville de Domoni sur la côte Est d’Anjouan ont pris la décision ferme de ne pas se présenter aux urnes cette année. Et pour démontrer l’irréversibilité de leur sentence, ils ont décidé de procéder à la lecture d’un grand Hitma, une prière collective demandant un châtiment sévère d’Allah, contre tout habitant du village qui enfreindra cette mesure collective. « Celui qui ira à l’encontre de cette décision sera banni et expulsé du village », avertit un jeune. Devant les micros de la radio Domoni Inter, la station dirigée par le journaliste Naouir Eddine Papamwegne qui a réalisé ce reportage à Ouzini le 19 septembre dernier, les habitants de ce village ont crié leur amertume face à l’injustice qu’ils endurent depuis des longues années. « Depuis Saïd Mohamed Cheikh [sous l’autonomie interne, ndlr] nous votons à chaque fois et on n’obtient rien en retour dans ce village. Les autres ont eu des routes et nous nous n’avons rien. Nous voyons les candidats, juste au moment des élections et une fois élus, ils nous oublient. Cette fois la décision est prise, nous ne voterons pas. Nous le ferons uniquement quand la route arrivera dans le village », s’est écrié un habitant présent ce jour là à la mosquée de vendredi d’Ouzini. Ainsi, les 522 électeurs recensés dans cette localité devront faire la grève des urnes jusqu’à nouvel ordre.Il faut dire que les 1 434 habitants de ce village d’altitude situé dans un endroit difficile d’accès vivent dans l’isolement complet. Pour se déplacer en voiture ils doivent marcher jusqu’à Domoni. « Nous sommes les laissés pour compte de l’Etat comorien. Il faut nous dire si nous sommes des hommes comme les autres ou si nous sommes des sous hommes », grogne un autre. Tout en exprimant leur ras-le-bol d’une situation qui n’a que trop duré, les habitants d’Ouzini demandent « des routes et le minimum d’infrastructures qui leur permettront de sortir de leur isolement séculaire ». Ici, « les marchandises, les malades, les femmes enceintes qui nécessitent une intervention médicale ainsi que les morts du village décédés à l’extérieur sont portées à dos d’hommes jusqu’au village ou à l’hôpital de Domoni », avec toutes les conséquences que cela peut en découler. « Ils arrivent des fois que des femmes accouchent en cours de route devant leurs frères, leurs enfants ou leurs pères et ce n’est pas bien tout cela. D’autres peuvent mourir avant qu’elles arrivent à l’hôpital », explique un jeune du village. Alors qu’on assiste à un désintérêt de plus en plus croissant des électeurs pour les élections, le cas d’Ouzini devrait donner à réfléchir aux dirigeants comoriens.
Par FAISSOILI ABDOU (avec Radio Domoni Inter)